Risque du sida et structuration des sociabilités homosexuelles. Analyse sociologique des normes de prévention en France, 1989-2009


Gabriel Girard
Directeur : Geneviève Paicheler
Soutenance : 2012

Laboratoire CERMES3

Résumé

Depuis le milieu des années 1990, les débats concernant la prévention du sida chez les homosexuels sont marqués par des polémiques portant sur l’augmentation des pratiques non protégées. L’attention s’est particulièrement arrêtée sur le bareback, qui traduit la revendication de pratiques sexuelles volontairement non protégées, à risque de transmission du VIH, dans un contexte populationnel de forte prévalence. La médiatisation de ce phénomène a conduit les différents acteurs de la lutte contre le sida (chercheurs, militants, professionnels de santé) à confronter publiquement leurs points de vue. En effet, la permanence de pratiques sexuelles ne se conformant pas aux recommandations préventives met en lumière la difficulté à maintenir des normes collectives stables face aux risques du sida. Plus largement, cela traduit la difficulté de s’entendre sur ce qui relie entre eux les membres d’une population aussi hétérogène que celle des hommes ayant des pratiques homosexuelles. Mais on sait peu de chose sur la manière dont ces controverses sont perçues par les homosexuels, “cibles” de la prévention.

Je propose d’envisager les controverses au sujet de la prévention du sida comme l’expression d’une confrontation de diverses manières de définir des normes individuelles et collectives, illustrant la diversité des expériences de l’homosexualité. Il semble donc également nécessaire d’analyser les perceptions des destinataires des messages de prévention. L’analyse des principes sociaux mobilisés par les acteurs pour justifier leur pratiques préventives et situer la responsabilité vis-à-vis du risque de transmission du VIH est au cœur de mon travail.”

La recherche s’appuie sur :

  • L’analyse de 40 entretiens biographiques réalisés auprès d’un échantillon d’homosexuels masculins en 2006 et 2007. Le recrutement a privilégié la diversité des profils, en fonction : de l’âge, de l’origine géographique et du statut sérologique. Je m’intéresse particulièrement à la manière dont les consignes préventives s’inscrivent dans l’expérience subjective, en analysant le contexte relationnel des interviewés.
  •  L’analyse des articles et prises de position sur de la prévention, dans la presse homosexuelle (n=2), les publications associatives (n=4) et la presse “généraliste” (n=2). Il s’agit d’analyser l’argumentation, le développement et la circulation des controverses dans les différentes arènes.
  •  L’analyse de 20 entretiens semi directifs menés auprès de responsables associatifs (Aides, Act Up, Sida Info Service), de journalistes et de responsables de santé publique (INPES, DGS). Il s’agit d’étudier les positionnements et les modes d’argumentation des principaux acteurs des débats publics sur la prévention du sida.
  • L’articulation de ces approches permet d’envisager la manière dont l’expérience intime du risque et de la prévention peut être activée en tant qu’attribut identitaire, individuel et collectif. Elle permet aussi d’analyser le développement et la diffusion des normes de prévention, comme instruments de régulation, dans les relations entre homosexuels. Au sein d’une population dont l’histoire récente est largement marquée par la surveillance épidémiologique, il s’agit ainsi de mieux comprendre comment la catégorie du risque est mobilisée dans le débat politique sur l’intime.
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