Directeur : Pierre-Benoît Joly
Soutenance : 2012
Laboratoire INRA/SenS
Résumé
L’expertise scientifique réalisée au Codex Alimentarius par les comités internationaux FAO-OMS afin d’établir des normes relatives à la sécurité sanitaire des aliments joue un rôle essentiel, sans doute de plus en plus important, dans la régulation de la production et du commerce international des aliments. C’est ce rôle, et les questions qu’il soulève du point de vue de la relation entre science et politique, que la thèse propose d’étudier à travers l’analyse des processus de crédibilisation de l’expertise. Le cadre théorique qui structure l’analyse articule sociologie des organisations et sociologie des sciences, et mobilise également les concepts centraux de la sociologie de l’action publique et politique.
La relation entre science et politique se caractérise par une instabilité tant constitutive que contextuelle. L’expertise FAO-OMS s’inscrit dans le contexte plus large de normalisation internationale dont l’applicabilité s’impose aux Etats, et qui, de fait, participe à amplifier l’instabilité.
La thèse montre que le processus de crédibilisation dans lequel s’investissent les différents acteurs (experts, institutionnels, régulateurs, industriels, associations, etc.) permet d’atténuer l’instabilité de la relation. En étant opérant, le processus de crédibilisation offre aux acteurs qui s’y investissent la possibilité de négocier à leur avantage leur position dans la relation, tout en évitant une remise en cause.
La thèse conçoit les processus de crédibilisation comme l’ensemble des stratégies visant à renforcer la « capacité du sujet à dire et à faire », une notion qui dépasse les limites des notions d’autorité et de légitimité. Ces processus sont saisis en analysant à la fois les stratégies et comportements des institutions mais aussi ceux des experts dans leurs réseaux transnationaux et dans les situations locales de l’expertise collective FAO-OMS. Les processus de crédibilisation reposent sur trois dimensions interdépendantes : une crédibilisation procédurale, une crédibilisation communautaire et une crédibilisation délibérative.
La thèse montre ainsi une expertise indissociable des processus de crédibilisation qui l’accompagnent. La crédibilisation est à la fois le produit des interdépendances qui jalonnent l’expertise et une condition indispensable pour que ces interdépendances fonctionnent de façon à permettre la production d’une expertise. Si la thèse permet de mettre en lumière une expertise plurielle grâce à l’analyse des processus de crédibilisation sur lesquels elle s’appuie, notamment entre un modèle traditionnel et un modèle précautionneux, elle invite aussi à réfléchir sur la pertinence de la séparation entre science et politique, sans cesse recherchée et réaffirmée par les autorités sanitaires et pourtant toujours aménagée implicitement dans les pratiques.