Le séisme, la centrale et la règle : instaurer et maintenir la robustesse des installations nucléaires en France
Soutenance de thèse de sociologie de Mathias Roger
14 décembre, 14h30
Visioconférence
Jury
Bernadette Bensaude-Vincent, professeure des universités, Université de Paris Panthéon-Sorbonne (rapportrice)
Laure Bonnaud, chargée de recherche, Inrae
Soraya Boudia, professeure des universités, Université de Paris (directrice de thèse)
Claude Gilbert, directeur de recherche émérite, CNRS
Olivier Loiseau, chef de service à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
Myriam Merad, directrice de recherche, Université Paris-Dauphine (rapportrice)
Dominique Vinck, professeur des universités, Université de Lausanne
Résumé
Cette thèse prend comme point de départ l’étonnement de voir les centrales nucléaires tenir sur la durée. En effet, malgré le vieillissement des installations, malgré l’obsolescence de certains équipements, malgré l’immense évolution des connaissances scientifiques et techniques depuis l’époque où ces technologies ont été développées, malgré des accidents qui ont remis en cause la capacité de prévenir totalement les risques, les centrales nucléaires françaises sont encore debout, encore en fonctionnement et, en 2020, il est plus que jamais question d’étendre leur durée de vie au-delà de leur limite initiale. Ce parcours de vie d’ouvrages industriels dangereux, qui s’étend sur plus de 70 ans, incite à poser la question des risques technologiques sur une temporalité longue et à examiner comment la sécurité de ces installations a pu être construite puis maintenue de sorte à pouvoir fonctionner aussi longtemps. Cette thèse propose d’aborder ce sujet en étudiant l’histoire de la robustesse des installations nucléaires françaises face à la menace sismique. Par une sociologie embarquée et grâce à un accès privilégié aux archives de la sûreté nucléaire en France, ce travail propose une plongée dans le monde des experts, scientifiques et ingénieurs, qui œuvrent depuis 60 ans pour instaurer la robustesse des installations nucléaires en France. Cette instauration se décompose en quatre épisodes qui structurent l’analyse : l’élaboration de la robustesse autour du site nucléaire de Fessenheim, la réalisation de la robustesse à l’échelle industrielle à partir du cas du site de Tricastin, la maintenance de la robustesse face à l’évolution des connaissances et enfin la réparation de la robustesse après l’accident de Fukushima Daiichi. Ce que met en exergue ce travail c’est que la robustesse, loin d’être une donnée objectivable, intrinsèque aux objets, est en réalité une qualité subjective fondée sur une conviction partagée au sein d’une arène spécifique. Dans le cas étudié, cette conviction est entièrement fondée sur une série de conventions d’équivalence (Desrosieres, 1993) qui lie entre eux différents modes d’existence du risque : comme sujet politique, comme objet scientifique et comme propriété d’un objet technique. La robustesse dépend alors de la pérennité de ces conventions d’équivalence et le travail des experts peut alors être vu comme celui de mainteneur de leur validité. En étudiant l’élaboration et le maintien de la conviction vis-à-vis du caractère robuste des installations nucléaires, ce travail invite à poser un regard nouveau sur les risques en étant attentif à la fois à leur histoire et à leurs multiples modes d’existence.
Mots-clés : robustesse, sûreté nucléaire, séisme, instauration, maintenance, Fessenheim, Tricastin