Les limites à la croissance dans un monde global. Modélisations, Prospectives, Réfutations


Elodie Vieille-Blanchard
Directeur : Amy Dahan
Soutenance : 2011

Laboratoire CAK

Résumé

Cette thèse d’Histoire des Sciences est centrée sur le rapport au Club de Rome de 1972, affirmant l’existence de limites globales à la croissance et la nécessité de ruptures sociétales radicales pour s’y ajuster.
Elle pose la question des conditions matérielles, politiques et culturelles qui conduisent à la montée en force, autour de 1970, de discours énonçant le caractère nuisible de la croissance démographique et économique, à un niveau global. A cette fin, elle examine comment se développe entre 1945 et 1970 un contexte favorable à l’appréhension d’un futur de l’humanité et à la modélisation mathématique d’un tel enjeu. Elle étudie l’émergence et la transformation de discours alarmistes sur la croissance démographique globale, en lien avec le développement du Tiers Monde, la Guerre Froide et la problématique des ressources naturelles. Une critique du développement technologique et de la croissance économique germe dans les premières mobilisations contre la bombe atomique et se structure en lien avec les mobilisations environnementales des années 1950 et 1960 (notamment contre le nucléaire et les pollutions).
Elle analyse la genèse et l’essor de l’entreprise du Club de Rome, afin d’élucider le paradoxe que constitue l’appel par une élite industrielle et politique à une stabilisation de l’économie mondiale. Dans cette perspective, elle étudie les influences contrastées des discours environnementalistes et des « études du futur » sur ce projet de modélisation globale des problèmes du monde, et en particulier sur la représentation de la technologie qu’il porte. Elle étudie de manière précise comment le choix de la Dynamique des Systèmes comme méthodologie de modélisation concourt à une traduction particulière de la « Problématique » du Club en modèle mathématique, focalisée sur les limites à la croissance.
La thèse s’attache enfin à comprendre comment le vif débat du début des années 1970, pour ou contre la croissance, laisse rapidement la place à un consensus sur le bien-fondé de la croissance, tandis que les questions des inégalités entre Nord et Sud, et des meilleurs moyens technologiques et économiques pour dépasser les limites matérielles, deviennent alors prégnantes. Dans ce but, elle recense et classifie les diverses critiques du rapport au Club de Rome, en montrant l’articulation forte entre critique philosophique et critique technique. Ce premier débat constitue ensuite un socle pour la construction de nouvelles traditions de modélisation : la « modélisation globale » dans les années 1970, puis la « modélisation intégrée » dès la fin des années 1980, avec notamment les travaux de Nordhaus sur la gestion du changement climatique. L’auteur montre comment ces approches,  par leur cadrage des problèmes impliquant notamment sélection de variables pertinentes et choix d’un mode de simulation spécifique, contribuent à rendre le projet de stabilisation de l’économie hors de propos, et confortent en revanche le bien-fondé de la croissance économique pour le développement humain et la préservation de l’environnement.

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