On le sait depuis longtemps : l’opinion publique n’existe pas. Mais on le sait depuis aussi longtemps : tout se passe comme si de fait elle existait. Dit autrement : l’opinion publique est un artefact mais un artefact qui n’en produit pas moins des effets bien réels. Dès lors les chercheurs les plus sérieux savent, depuis longtemps donc, que l’important consiste à saisir les modes de fabrication de ce qu’on appelle l’opinion publique. Or il se trouve que ces modes évoluent, et qu’ils n’ont pas attendu les sondages d’opinion pour exister mais surtout qu’ils n’en sont pas non plus restés au stade des sondages d’opinion. Les quinze dernières années ont vu, à la faveur de la mutation numérique, des transformations aussi rapides que profondes des manières de fabriquer l’opinion publique – et surtout largement demeurées dans l’ombre, sauf pour les professionnels qui ont mis au point ces techniques et les ont transformées en produits et services pour les marques commerciales et politiques. Sauf également pour les rares chercheurs qui s’y sont penchés, parmi lesquels Baptiste Kotras qui vient de publier La Voix du web et qui est ce samedi l’invité de La Suite dans les Idées. Il sera rejoint en seconde partie d’émission par le journaliste du Monde Samuel Laurent, responsable de la rubrique Décodeurs.