“Symétrie / Asymétries. Les inégalités de savoirs et de pouvoirs sous le regard des STS”
L’École Thématique de l’IFRIS 2016 aura pour objectif de discuter la question des inégalités cognitives, sociales, politiques, économiques et environnementales dans le champ des STS. Il s’agit tout à la fois d’examiner comment notre champ, en comparaison avec d’autres champs disciplinaires, s’est saisi de cette thématique, à travers quels objets et quelles approches.
La multiplication des travaux en sciences humaines et sociales sur le thème des inégalités est le symptôme de l’importance des changements politiques et économiques auxquels nous assistons : crise économique, remise en cause du pouvoir des firmes dans les transitions sociotechniques, emprise croissante des logiques marchandes sur les systèmes de recherche et d’enseignement supérieur, crise écologique et climatique, nouvelle phase de flux migratoires, mais aussi apparition de multiples formes de participation et d’engagement citoyen sur des enjeux technoscientifiques majeurs. Cependant, dans le domaine STS, ces phénomènes majeurs qui mobilisent connaissances et acteurs collectifs ont été abordés sous un angle particulier.
L’un des principes méthodologiques fondateurs du champ STS est le principe de symétrie : considérer équitablement et expliquer de même manière la production des énoncés in fine tenus pour vrais et ceux finalement tenus pour faux. A la suite de débats intenses à son sujet (Bloor 1999, Latour 1999), ce principe de méthode a pu se convertir en un refus parfois explicite de considérer que des acteurs collectifs institués, au pouvoir inégal, existent a priori, pour préférer les considérer comme se constituant et existant au cours même des controverses sociotechniques. Les ressources et les positions dans la production et la mobilisation de savoirs et de technologies devraient alors être considérées comme équivalentes. Ce principe et ses conséquences politiques n’ont jamais cessé d’être questionnés, donnant lieu à de vifs débats (Pestre 2010).
Ce principe ne serait-il pas porteur d’une théorisation implicite et normative des mondes sociaux et politiques (Winner 1993) qui tendrait à effacer leur structuration, les hiérarchies et rapports de force qui s’y jouent nécessairement ? Qu’a-t-on à gagner ou à perdre en adoptant cette perspective? Comment de nouveaux travaux, sur la justice environnementale ou ceux se réclamant de la nouvelle sociologie politique des sciences, contribuent-ils à fonder de nouveaux principes méthodologiques qui viendraient compléter ou se substituer au principe de symétrie et à son impératif de privilégier le suivi des acteurs ? Une illustration récente de ces questions sont les travaux sur l’expertise et la démocratie technique où la proposition de Collins et Evans (2003), qui réintroduisent des critères de hiérarchisation des propositions portées par les scientifiques et les autres, oblige à reconsidérer la position supposée symétrique des scientifiques-experts et des profanes dans la décision publique.
Les propositions pourront porter sur un ou plusieurs aspects évoqués ci-dessus, mais aussi explorer de nouvelles perspectives. Elles peuvent traiter des effets de dominations et d’hégémonie cognitive dans les disciplines scientifiques (et entre ces disciplines), des inégalités dans les collaborations scientifiques (en particulier internationales), des inégalités instaurées par les acteurs y compris étatiques et économiques au sein des systèmes sociotechniques, des dynamiques d’innovation souvent inégalitaires et de leur traduction dans des processus économiques, sociaux et politiques, ou des effets d’asymétrie dans l’étude et le management des risques sanitaires ou environnementaux. On pourra aussi s’intéresser aux initiatives et procédures visant à prendre en charge, voire à compenser ces asymétries dans différents cadres institutionnels, ou à la façon dont les préoccupations de justice et d’inégalités sociales, économiques et de développement tendent à reconfigurer le cadrage de certaines questions environnementales (longtemps vues comme orthogonales, voire contradictoires). Il pourra s’agir enfin de réfléchir aux différents concepts qui aident à envisager les asymétries – du triptyque « institutions, réseaux, pouvoir » (Frickel et Moore 2006) aux notions de domination ou d’hégémonie – et les paradigmes qu’ils fondent.
L’école est ouverte aux doctorants et post-doctorants qui travaillent dans les domaines de recherche de l’IFRIS et des équipes du LabEx SITES : STS, histoire, sociologie et anthropologie des sciences et des techniques, économie et gestion de l’innovation et des politiques de recherche, droit des sciences et des techniques.
Elle se composera d’exposés de conférenciers invités, d’ateliers de lecture et de discussion de textes importants pour la réflexion commune sur le thème, ainsi que d’exposés de doctorants et de post-doctorants sur leurs objets de recherche. Une partie des interventions externes à l’IFRIS seront effectuées par des collègues grecs.
Les doctorants et post-doctorants souhaitant participer à cette École Thématique sont invités à soumettre une proposition (d’une page maximum) résumant l’objet de leur communication. Les propositions qui s’attachent à inscrire les questions liées aux asymétries au sein de leurs réflexions sont particulièrement bienvenues, mais cela ne constitue en rien une obligation pour participer à l’École Thématique.
Une journée de présentation de réflexion sur les conséquences de la crise sur la société et la recherche en Grèce aura lieu le lundi 6 juin, en marge de l’École Thématique.
Le programme détaillé sera publié prochainement.