Maël Goumri soutiendra sa thèse de doctorat en Sciences Techniques et Société intitulée « Apprivoiser le cygne noir, Construction et circulation des savoirs et des ignorances dans le gouvernement de l’accident nucléaire majeur » préparée à l’Université de Paris (ex. Paris Descartes), au laboratoire Cermes3 (UMR 8211 CNRS-INSERM-EHESS-Université de Paris) sous la direction de Soraya Boudia.
La soutenance se tiendra publiquement dans un format hybride (en présentiel et en ligne) :
le lundi 27 Septembre 2021 à 9h30
A l’Université de Paris, Campus Saint-Germain-des-Prés
A l’Université de Paris, Campus Saint-Germain-des-Prés
45 Rue des Saints Pères – 75006 Paris
Devant un jury composé de :
- Bernadette Bensaude-Vincent, Professeure émérite, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,
- Olivier Borraz, Directeur de Recherche, CNRS/Sciences Po,
- Soraya Boudia, Professeure des Universités, Université de Paris, (directrice de thèse)
- Olivier Chanton, Chercheur, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire,
- Sylvie Ollitrault, Directrice de Recherche, CNRS / Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique,
- Carsten Reinhardt, Professeur, Universität Bielefeld (rapporteur),
- Paul-André Rosental, Professeur des Universités, Sciences Po (rapporteur).
Ce travail de thèse a obtenu le soutien financier de l’IRSN, de l’IFRIS et du Comité d’Histoire de l’Électricité et de l’Énergie de la fondation EDF.
Compte tenu des conditions sanitaires actuelles, le nombre de places disponibles dans la salle est limité et son accès supposera un passe sanitaire (preuve de vaccination, de test ou de guérison). Pour des contraintes d’organisation, je vous serai reconnaissant d’avertir de votre présence au plus tard le 24 septembre à mael.goumri@cnrs.fr en précisant si vous souhaitez y assister en présence ou en ligne pour obtenir le lien de visioconférence.
La soutenance en présentiel sera suivie d’un pot convivial. Pour faciliter son organisation, je vous remercie de confirmer également votre présence au pot avant le 24 septembre par mail.
Résumé : Les accidents nucléaires graves ont, à plus d’un titre, un statut paradigmatique dans le monde de la gestion des risques et des crises ainsi que dans les sciences sociales qui les étudient. Ils ont conduit à de nombreux travaux identifient l’émergence de risques nouveaux (Lagadec 1981, Beck 1986, Godard et al. 2002). Ils symbolisent « l’accident industriel majeur » tel que l’on peut se le représenter, en raison d’une part des dégâts incommensurables qu’ils entrainent (dans l’espace et dans le temps) et de leur imprévisibilité d’autre part. Pourtant, contrairement à plusieurs affaires et scandales qui sont apparus au fil des développements technologiques (Callon & Lascoumes 2001, Blic & Lemieux 2005), le nucléaire se distingue par son haut degré de maîtrise scientifique et technique. La question de l’accident a été traitée par les experts dès le début de son développement et a été largement investie par les acteurs à travers de nombreuses recherches et des choix prudents réalisés par une communauté d’experts très internationalisée. Or comment expliquer, malgré une accumulation inédite de savoirs et un investissement important de la question par les experts, que l’accident nucléaire majeur demeure aussi incertain ? C’est à cette question que cherche à répondre la thèse. Elle montre que malgré les tentatives des ingénieurs et experts de prévenir l’accident, leurs activités se heurtent à l’incertitude radicale qui caractérise le fonctionnement de cette technologie et qui rend la prévision de l’accident particulièrement difficile. Pour ce faire, la thèse analyse les activités d’expertise de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français, tant en France que sur la scène internationale, autour du risque d’accident de « fusion du cœur » nucléaire. Cet accident se produit lorsque les dispositifs techniques ne permettent plus de refroidir le cœur. Il conduit à l’augmentation de la température du cœur au-delà de 1200°C puis 2000°C qui fait fondre le combustible nucléaire qui forme alors un magma hautement radioactif appelé « corium » difficilement contrôlable. Le corium fait tout fondre sur son passage. Il constitue un risque majeur que l’industrie nucléaire tente à tout prix d’éviter en raison de son caractère imprévisible et difficilement contrôlable. Pour comprendre la manière dont ce risque a été traité au fil du temps, la thèse identifie trois ontologies de l’accident qui impliquent des réponses différentes de la part des acteurs. Ces trois ontologies constituent les trois parties de la thèse. L’accident hypothétique (1) est le résultat d’un processus actif porté par les acteurs qui imaginent l’accident possible et proposent des parades pour le rendre non-crédible à défaut de le rendre physiquement impossible. L’accident contenu (2) qui apparait dans les années 1970 est une conception des acteurs visant à démontrer que si la fusion du cœur se produit, elle peut être contenue au sein du réacteur grâce à des dispositifs techniques robustes, permettant ainsi d’éviter la catastrophe. L’accident majeur (3) symbolisé par les accidents de Tchernobyl et de Fukushima est un état où les acteurs du nucléaire prennent acte de la plausibilité d’une catastrophe et mettent en place des dispositions pour tenter de limiter les conséquences de l’accident, malgré l’incertitude radicale qui (paradoxalement) se renforce avec l’avancée des connaissances.
Mots clefs : Nucléaire, transnationalisation des risques, circulation des savoirs, expertise, risque majeur, accident grave, accident industriel, incertitude radicale, ignorance, diplomatie scientifique.