Soutenance de thèse d’anthropologie de Robin Mugnier (MNHNP) menée sous la direction d’Élise Demeulenaere (CAK-CNRS) et Denis Couvet (CESCO-MNHN), et intitulée :
Symbioses Précaires
aura lieu le mercredi 7 décembre à partir de 14h00 à l’amphithéâtre Rouelle du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (Bâtiment de la Baleine, entrée au 57 rue Cuvier – Paris 5e : voir le plan ici) ainsi qu’en visioconférence. Elle sera suivie d’un pot auquel vous êtes amicalement convié·e·s. Lien de connexion zoom en demande par mail : robin.mugnier@mnhn.fr
Composition du Jury :
Elsa FAUGÈRE – Chargée de recherche à l’INRAE, UR Écodéveloppement (Rapportrice)
Céline GRANJOU – Directrice de recherche à l’INRAE, LESSEM (Rapportrice)
Frédéric GOULET – Chercheur au CIRAD, UMR Innovation (Examinateur)
Sophie HOUDART – Directrice de recherche au CNRS, LESC (Examinatrice)
Birgit MÜLLER – Directrice de recherche au CNRS, LAP (Examinatrice)
Résumé :
En suivant les abeilles domestiques dans les différents sites où elles sont mises au travail comme pollinisateur des cultures, cette thèse propose de s’intéresser au « service de pollinisation ». Il consiste pour les entreprises et les agriculteurs, à louer des colonies d’abeilles à des apiculteurs professionnels pour les installer proches des cultures et ainsi améliorer la fécondation et le rendement. À partir d’une enquête ethnographique menée en vallée du Rhône auprès des acteurs de ce service – apiculteurs, agriculteurs, firmes semencières, techniciens et scientifiques agronomes – cette thèse décrit la recomposition de leurs relations, mais aussi les pratiques et savoirs pour optimiser l’abeille dans sa fonction de pollinisation. À cette fin, cette recherche mobilise les approches des ethnographies multiespèces, l’anthropologie des mondes apicoles et agricoles et les Sciences and Technology Studies. Suivre la pollinisation dans ses applications agricoles montre comment elle est actuellement valorisée dans le contexte de la modernisation agro-écologique, laquelle appelle à profiter des services rendus par la nature pour reconfigurer le modèle productiviste, à la croisée d’une intensification de la production et d’une écologisation des pratiques. Un terrain d’entente s’élabore entre les acteurs apicoles et agricoles autour de l’opportunité de mettre au travail les abeilles en tant que pollinisateur pour faire advenir cette nouvelle modernité agricole. Mise au travail des êtres vivants et modernisation agro-écologique seraient ainsi mutuellement bénéfiques : un constat que cette thèse questionne de manière critique. Elle défend que les différentes pratiques et réseaux impliqués dans la pollinisation entrent en conflit sur la manière de mettre au travail l’abeille. Ils mettent en acte plusieurs ontologies de l’abeille en tant que pollinisateur. Il existe en effet de multiples manières de définir ce service, cette relation écologique et les propriétés de ce que les abeilles doivent être, ce qu’elles font et doivent faire, et dans quelles conditions. Surtout, la modernisation agro-écologique, par la mise au travail, accroît la précarité des existences. Ce service marchand est ainsi parcouru par de multiples tensions. Tout d’abord dans les relations professionnelles, où des rapports de force cherchent à imposer des visions de l’agriculture, des formes de confiance, des plaidoyers politiques, des modes de coordination, des stratégies de pacification ou encore des qualifications marchandes. On retrouve aussi ces instabilités au cœur même des agencements où la pollinisation est concrètement mise en œuvre puisque les acteurs apicoles et agricoles n’attendent pas la même chose de la pollinisation. L’abeille y apparaît définie par différentes propriétés ontologiques : être vulnérable et surmené par la mise au travail dans des écologies épuisantes ; vecteur d’un flux de pollen, tantôt bénéfique, tantôt source de pollution génétique ; butineuse au comportement efficace et standardisable malgré sa complexité. Les relations entre apiculteurs et agriculteurs, abeilles et plantes cultivées, modernisation agro-écologique et mise au travail, qualifiées par les acteurs de « nouvelle symbiose » au service de l’agriculture, apparaissent comme relativement précaires.