Sciences et savoirs, commerce et états, politique et démocratie, 1750-1850

Coordinateurs Frédéric Graber et Fabien Locher, CR2, CNRS, Centre de Recherches Historiques, EHESS, Jean-Paul Gaudillière, DR INSERM, CERMES, Dominique Pestre, DE EHESS, Centre Koyré

 

Thématique
L’idée qui fonde ce projet est que les questions que nous nous posons aujourd’hui autour des (techno-)sciences dans le monde social, ont leur origine dans les années 1750-1850, et qu’un travail historique précis sur cette période peut nous aider, dans un mouvement de va et vient comparatif, à mieux comprendre ce passé et notre présent. L’intérêt de ce programme est aussi que deux solutions de nature opposées voient alors le jour, solutions qui sont toujours d’actualité. A savoir des solutions reposant sur une société civile très active et différenciée (essentiellement avant la Révolution), des solutions reposant sur la mise en place d’un Etat technicien et régulateur par la suite. La modernité techno-scientifique de cette époque met déjà à disposition des produits neufs – ce qui induit des contestations nombreuses et conduit à des formes de régulation inédites (administrations expertes par des scientifiques, constitution d’expertises alternatives locales, plaintes auprès des tribunaux et décisions de justice conduisant à des ajustements de la part des producteurs). Elle est aussi inscrite dans une deuxième mondialisation (après celle du 16e siècle), dans un mouvement de globalisation marchande et politique original qui reconfigure les savoirs légitimes et en fait naître de nouveaux (savoirs administratifs, savoirs sur la nature, sur le « système Terre », sur les techniques cartographiques, la variété des cultures, la linguistique, etc.).

Notre idée n’est pas de dire que tout est toujours-déjà là. Il est au contraire d’analyser, en historiens, ce qui advient alors de neuf – et d’utiliser la ressource historique pour décaler nos modes de pensée et nous ouvrir à une complexité et à des solutions que nous avons oubliées. Les exemples sont nombreux de cette richesse heuristique que peut avoir l’histoire — par exemple autour de la notion de société civile et d’espace public : les historiens insistent sur la place centrale des nouveaux produits et du commerce dans l’émergence d’une sphère publique à la fois individualisée et politique (Thomas Broman, Colin Jones) ; sur l’importance de penser des espaces et des opinions publics différenciés (Roger Chartier, Arlette Farge) ; de penser l’importance de la rencontre pré-coloniale et coloniale dans les invisibilités générées dans « l’espace public » (autochtones, colored people, femmes), etc.

 

Objectifs
Le but de ce projet est donc triple. Il est d’abord revenir sur les années 1750-1850 et la mise en place de cette modernité (techno-)scientifique qui est encore (partiellement) la nôtre ; de s’inspirer ensuite de ces travaux pour mieux penser le contemporain, pour suggérer une ouverture de notre cadrage des questions (l’espace manque ici pour justifier pleinement cette possibilité, mais nous la savons immense et souhaitons le montrer par le séminaire et nos publications) ; d’afficher finalement un programme d’enseignement sur ces questions et d’engager la rédaction d’une série de thèses.

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