Soutenance de thèse de doctorat en sociologie de Marianne Noël intitulée :
Les marchés de la publication scientifique. Le cas de la chimie.
Mardi 27 juin 2023 à 14h
Salle B019 du Bâtiment Bienvenüe, Université Gustave Eiffel
(Gare RER A Noisy-Champs, accès par le 12 Boulevard Copernic)
Composition du jury :
Willem HALFFMAN, professeur, Radboud University, rapporteur
Pierre-Benoît JOLY, directeur de recherche INRAE, UMR LISIS, directeur de thèse
Morgan MEYER, directeur de recherche CNRS, UMR CSI, rapporteur
Catherine PARADEISE, professeure émérite, Université Gustave Eiffel, examinatrice
Anne RASMUSSEN, directrice d’études EHESS, UMR CAK, examinatrice
Pascale TROMPETTE, directrice de recherche CNRS, UMR PACTE, examinatrice
Résumé de la thèse :
La marchandisation des connaissances a été très étudiée sous le prisme de la relation science-industrie et du commerce que les scientifiques entretiennent avec des organisations extra-académiques mais la contribution de l’infrastructure de publication au développement d’une économie de la connaissance reste peu travaillée sous cet angle dans la littérature académique. Si de nombreux travaux et textes d’opinion ont documenté le double mouvement du passage de la presse écrite vers les médias électroniques dans les années 1990, qui s’est accompagné de la mise en place d’un marché des revues de plus en plus concentré, dominé par une poignée de grands publishers à but lucratif, la question du commerce des revues dans des sciences où les « entreprises d’édition » émanent de sociétés savantes disciplinaires, qui ne sont pas des sociétés commerciales, reste un point aveugle de l’analyse. C’est également le cas des politiques publiques visant à transformer le système de publication scientifique comme l’Open Science, pour lesquelles l’imposition du mandat est considérée plus importante que la pratique disciplinaire. Pourquoi, quand et comment des communautés de chercheurs ont-elles délégué l’infrastructure de publication au marché ? En retour, qu’est-ce que la marchandisation de la publication fait à la science, à ses pratiques, aux formats des articles et des revues qui circulent dans ces communautés ?
Empruntant à l’histoire de l’édition, aux STS et à la sociologie économique, la thèse propose cinq récits socio-historiques qui considèrent l’infrastructure de publication dans sa dimension économique et prennent le complexe (revue-société savante conférence disciplinaire) comme objet de recherche. Elle traite du cas de la chimie, une discipline organisée selon un vaste « rhizome », dont l’infrastructure de publication repose sur des normes et conventions professionnelles où l’article est, avec le brevet, le principal type de publication. Elle repose sur une combinaison de méthodes sociologiques et historiques dans une approche multi-sites et adopte une perspective relationnelle qui examine les logiques et les pratiques d’acteurs dans la construction sociale du marché. La thèse insiste sur les dynamiques diverses et sur le caractère collectif, distribué et multifacettes des processus. S’appuyant sur le concept d’agencement marchand développé par Michel Callon, elle souligne le caractère paradoxal d’une situation où, afin de régler un problème de transactions internes (circulation de la connaissance, traçabilité de la reconnaissance scientifique…) les communautés de chercheurs ont délégué l’infrastructure de publication à des agencements marchands qui eux-mêmes agissent et sont ainsi le produit des stratégies scientifiques qu’ils contribuent à transformer.
Mots-clés : infrastructure de publication, revues scientifiques, chimie, agencement marchand, régimes de publication, articlisation, marchandisation